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06/11/2009

CHACUN CHERCHE SON PSY

CHACUN CHERCHE SON PSY

 

La Foire au « psy », bat son plein. Mettre du service psy à toutes les sauces pour cacher la misère, est la dernière mode en entreprise. Pourtant, tapi derrière cette lénifiante abréviation, le danger guette sa proie. La personne en souffrance psychologique est exposée au business « psy », véritable zone de non droit. France Inter n’a-t-elle pas déclaré en 2009 au cours d’une de ses revues de presse, que la crise n’était pas pour tous et que les psychologues « tiraient leur épingle du jeu » ? Alors business is business, tout fait ventre pour le « psy » autoproclamé en quête de gain. La banalité moderne du mal prend d’autres visages avec cette tromperie sémantique racoleuse, productrice de confusions : qui est qui ? Qui fait quoi ?

 

Les suicides en entreprise, médiatisés par vague, rappellent le triste chao dans lequel nos concitoyens sont plongés vis-à-vis des centres d’appels psychologiques où les écoutants ne sont pas toujours des psychologues.

Ainsi, dans une certaine entreprise malade, l’écoute des salariés ne serait pas confiée à des psychologues externes, mais à des responsables hiérarchiques : le salarié en souffrance se trouve ainsi face à son chef pour évoquer ses problèmes. Le piège se referme sur l’esprit, dernier espace de liberté que le salarié possède sur son lieu de travail. Viol de l’intime sans agression visible, et enfermement au sein d’une apparente démocratie, au risque de la dépression, de la folie ou du suicide.

Parallèlement, le management des salariés est confié à des coachs qui, forts de leurs théories psychologiques vulgarisées (quand ce n’est pas de l’ésotérisme) promettent aux employeurs en mal de performance, des lendemains qui chantent, dans le sens d’un accroissement de leurs chiffres d’affaires.

Les conséquences dramatiques de ces fonctionnements pervers étaient prévisibles. Les salariés sont stressés, pressés comme des citrons, déstabilisés, n’ont plus l’esprit d’équipe, se méfient les uns des autres, détestent leur hiérarchie, bref sont malheureux au travail et avalent quantités de psychotropes pour se consoler. La fortune des laboratoires pharmaceutiques se porte bien, et la sécurité sociale sert à quelque chose.

Alors que notre système ultra libéral laisse proliférer le marché sauvage de la psychologie vulgarisée pratiquée par les consultants auto-proclamés les plus divers, curieusement les psychologues, diplômés de l’université, ne trouvent un emploi ou créent une cliscientèle en cabinet privé qu’avec difficulté. Il en va de la différence des approches. Le cliscient* attend du magique ; les marchands d’illusion font du commerce ; le Psychologue universitaire exerce sa profession libérale avec rigueur, éthique et déontologie. Il faut dire aussi que l’université s’est dérégulée en commercialisant à tout public des enseignements de psychologie parcellaires et non académiques. Le business se trouve parfois là où on l’attend le moins.

 

Ici, nous soulevons une question politique majeure. Allons nous vers un système producteur d’aliénation mentale collective de masse, pour obtenir une docilité des salariés en vue de toujours plus de productivité ? Les pouvoirs publiques laisseront-ils faire ou seront-ils impuissants car dominés par le commerce et la finance mondiale ? Les responsables d’entreprise se réveilleront-ils de leurs rêves de toute puissance, ou se perfectionneront-ils dans la déshumanisation au travail, grâce aux conseils minutieux de coachs choisis pour leurs méthodes transformatrices d’humains en morts vivants ?

Alors « psys », à vos marques ! Partez !

 

Marie-Ange HÉLIE, Vice Présidente du SPEL

Mireille BOUSKÉLA, Présidente du SPEL

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*Le cliscient : - le particulier s’adressant au psychologue n’est pas un client (dont le sens a été détourné au profit commercial). Il n’est pas non plus un patient (dont le sens renvoie à « passif » et au médical. En effet, le demandeur de ce type d’intervention n’est jamais passif, sinon il n’y aurait aucun résultat). Ce demandeur est l’acteur de son propre changement, dans la mesure où il cherche à se connaître lui-même.

De ce fait il convient de proposer un néologisme, tel que cliscient, revenant à la racine étymologique de « cliens, cliensis » et sciens « celui qui sait ».

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